Synopsis

Chili 1988. Augusto Pinochet a promis aux Chiliens de soumettre au plébiscite populaire sa reconduction au pouvoir pour 10 ans de plus. Tout laisse croire que le résultat est joué d’avance et c’est sans espoir que les partis d’opposition, réunis en coalition, organisent la campagne du « non ». Après quelques hésitations, René Saavedra (Gael García Bernal), talentueux créatif d’une grande agence de publicité qui est revenu au pays après avoir suivi sa famille en exil, accepte de reprendre en main cette campagne de communication qui ne disposera que de 15 minutes par jour sur les chaînes de télévision. Quelle n’est pas la surprise des politiciens de gauche qui ont subi les horreurs de la dictature lorsque le publiciste propose d’oublier ces mauvais souvenirs pour vendre le « non » aux Chiliens comme s’il s’agissait de la dernière boisson à la mode. La course contre la montre a commencé, de même que la sale guerre qui oppose l’équipe de Saavedra à celle de son propre patron, Lucho Guzmán (Alfredo Castro) embauché par le camp du « oui ».

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CRITIQUE

Gael García Bernal (« Amores perros« , « Y tu mamá también« , « Diarios de motocicleta« , « Babel« , « La mala educación« , « La science des rêves« …) est parfaitement crédible dans le rôle de l’exilé, parlant un espagnol où se mêlent les accents mexicain, chilien et ibérique, et dont les origines exactes sont aussi insondables que l’est son opinion politique tout au long du film.
Agit-il par ambition, afin de faire la nique à son boss ? Par amour, pour reconquérir son ex, Vero (Antonia Zegers), militante de gauche, qu’il va chercher régulièrement à la sortie de ses nombreuses gardes à vue ? Ou alors est-ce au nom de l’idéal de liberté qu’il voudrait offrir à leur fils ?
Rien ne nous permet de trancher, et c’est tout l’intérêt de ce film, qui finit aussi par nous faire douter des propres convictions du représentant du camp du « non », José Tomás Urrutia (Luis Gnecco) – dont la ressemblance avec Pablo Neruda (et Philippe Noiret !) est déjà frappante – et de certains membres de l’opposition.

On a l’habitude de dire que ce film clôt la trilogie sur la dictature de Pinochet réalisée par Pablo Larraín, après « Tony Manero » (2008) et « Post mortem«  (2010), bien que lui-même ne les considère pas comme une suite. Quoiqu’il en soit, « No » a déclenché une polémique très intéressante au Chili. D’un côté certains critiques y voient une lecture simpliste de l’histoire du référendum de 1988, reprochant notamment à Larraín d’être le fils de deux politiciens de droite qui soutenaient le « oui » à cette époque. D’autres applaudissent le miroir que tend cette fiction historique aux Chiliens, presque 40 ans après le coup d’État de 1973.

Larraín met en scène, avec un rythme soutenu, les coulisses de la création du logo arc-en-ciel, du jingle entêtant «La alegría ya viene », ainsi que de plusieurs spots qui ont contribué à convaincre les Chiliens indécis de mettre leur dictateur au placard, et qui sont devenus cultes par la suite. Il soulève, néanmoins, une question légitime : qu’est-ce qui a vraiment changé depuis ?
Bien que le « non » l’ait emporté, n’est-ce pas le modèle ultralibéral, mis en place pendant la dictature, qui est, encore aujourd’hui l’héritage de Pinochet le plus tenace et indétrônable ?

Le film est entièrement tourné en caméra U-matic au format 3:4 afin de créer une homogénéité entre les images du passé et du présent. Au-delà de l’effet vintage séduisant, qui n’est pas sans rappeler l’esthétique d’un Gondry, c’est également une façon de mettre en évidence le film comme construction narrative. Le travail de la monteuse Andrea Chignoli est remarquable.

La musique de Carlos Cabezas renforce l’ambiguïté du personnage principal lorsque les solos de saxophone soprano et de violon, entre ironiques et mélancoliques, se détachent de la cadence militaire triomphante d’un ensemble de cuivres.

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LA SCÈNE D’ANTHOLOGIE  

Lors de la reconstitution du tournage du fameux clip vidéo, Larraín fait rejouer aux comédiens de l’époque leur propre rôle, mêlant images d’archives et fiction cinématographique. Effet à la fois ludique et bouleversant totalement réussi, notamment lorsque le propre Patricio Aylwin, premier Président élu démocratiquement en 1989, se prête au jeu.

L’ANECDOTE

Nominé aux Oscars en 2013 comme meilleur film étranger, il a remporté, de nombreux prix en 2012 dont le Prix CICAE à Cannes ainsi que le Prix du meilleur film du festival de La Havane.

NOTE : 18/20

Cette page a été écrite par « La pistolera romántica ». Le pistolero prenant manifestement quelques vacances… Je la remercie pour cet article dont l’intérêt n’échappera pas aux lecteurs.

Video & Photo

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