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ueducine;com-bertrand-tavernierBertrand Tavernier, est le réalisateur français le plus intéressant de ces trente dernières années. Il a souvent donné à ces films une connotation sociale ou politique sans oublier le plaisir du récit et le spectacle. Beaucoup de ces films ont été accompagnés de polémiques. Son œuvre est aussi faite de quelques documentaires qui eux aussi ont fait grand bruit dans les sphères politiques et les médias.

Il a fait appel à des auteurs qui représentaient le vieux cinéma des années 1940-1950 comme Jean Aurenche et Pierre Bost pour faire un cinéma des plus moderne des années 1970. Bousculant les représentants de la nouvelle vague. Il a  comme scénariste régulier Jean Cosmos.

Homme fidèle en amitié il fait souvent appel aux mêmes acteurs et actrices. Formant ainsi comme une troupe d’acteurs et de techniciens. Philippe Noiret, Jean Rochefort, Jean-Pierre Marielle, Christine Pascal, Isabelle Huppert, Sabine Azéma, Charlotte Kady, Philippe Torreton, Marie Gillain, Maria Pittaresi et Jacques Gamblin. Mais aussi aux mêmes musiciens: Philippe Sarde, Marc Perrone, Antoine Duhamel ou  Oswald d’Andrea.

Esprit indépendant plutôt de gauche Bertrand Tavernier ce fils de résistant s’est aussi battu au prés d’associations notamment contre la double peine infligée aux immigrés en France (prison et expulsion).

Il préside l’institut Lumière de Lyon

Il commence au cinéma par deux films à sketchs « Les baisers » en 1963 et « La chance et l’amour » en 1964.

1973 il convainc Philippe Noiret et Jean Rochefort d’être les deux grands rôles de son premier long métrage « L’horloger de Saint Paul« . Il le tournera à Lyon sa ville natale. Film remarqué favorablement par la critique il recevra le prix Louis Delluc.

Il parvient à enchaîner avec un film d’époque avec les mêmes acteurs principaux auxquels s’ajoutent Jean-Pierre Marielle, Christine Pascal, Marina Vlady, Nicole Garcia… c’est « Que la fête commence! » qui a pour sujet la régence de Philippe d’Orléans. César de la meilleure mise en scène. César du meilleur scénario original ou adaptation.

En 1975 il tourne « Le juge et l’assassin » nouveau film en costume sur une histoire vraie d’un tueur en série dans la France de la fin du XIX° siècle. Toujours avec Philippe Noiret, avec Michel Galabru en tueur fou dans le meilleur rôle de sa carrière (César), et aussi Isabelle Huppert… César du meilleur scénario original pour Jean Aurenche et Bertrand Tavernier.

Deux ans plus tard il sort « Des enfants gâtés » film ancré dans une société parisienne en pleine mutation. En effet des quartiers entiers de Paris sont démolis pour être « réhabilités ». Sous sous couvert de réhabilitation il s’agit de chasser les classes ouvrières et populaires pour une bourgeoisie aisée. Film un peu à part dans la filmographie de Bertrand Tavernier. Le film n’est pas suivi par le public.

Coup de tonnerre en 1981 dans le paysage du cinéma français. « Coup de torchon« , adaptation réussie d’un roman de Jim Thompson « 1275 âmes« . L’action située dans les années 20 dans l’Amérique profonde, est ramenée en Afrique occidentale sous domination française à la fin des années 1930. L’histoire d’un chef de police locale qui a une illumination quasi divine et devient un ange exterminateur de toute personne qu’il juge nocive pour la vie du village. Casting formidable: L’indispensable Philippe Noiret, Jean-Pierre Marielle, Stéphane Audran, Eddy Mitchell, Isabelle Huppert, François Perrot… Le film est peu apprécié de la critique mais connaît un bon succès public. Il subit un deuxième revers aux Césars. Aucune statuette pour 12 nominations.

En 1985 Sabine Azéma récolte un César pour son rôle dans « Un dimanche à la campagne« . Chronique tendre, sur l’ennui d’un vieux monsieur, après la mort de sa femme qui attend la visite de sa famille le dimanche. Et surtout celle de sa fille qui en 1912 passe pour une femme moderne et enjouée. Le scénario est écrit par l’ex-femme du réalisateur Colo Tavernier O’Hagan. Film touchant. Succès critique.

En 1989 Bertrand Tavernier tourne selon moi, ce qui est son chef d’œuvre:

« La vie et rien d’autre« . Magnifique film sur l’après guerre de 1914-1918. La France cherche ses disparus; Irène de Courtil (Sabine Azéma) cherche son mari et le commandant Dellaplane (Philippe Noiret) compte les morts et met des noms sur les inconnus. Il est en lutte contre sa hiérarchie qui n’a que faire de sa comptabilité. Entre la femme d’une famille influente et industrielle et le militaire, les premiers échanges se feront dans l’affrontement, puis au fil du temps, les deux êtres vont se rapprocher. Histoire sensationnelle riche en anecdotes historiques. Interprétation de rêve. C’est le meilleur rôle de la carrière de Philippe Noiret. César de la meilleure interprétation. François Perrot, Pascale Vignal, Daniel Russo, Michel Duchaussoy et Jean-Roger Milo en sont. César de la meilleure musique pour Oswald d’Andréa.

1992 sortie de « L.627« . Film très documenté et polémique sur le laxisme de la gauche face à la consommation et la vente de la drogue. Le titre correspond à l’article de loi sur la vente et consommation de drogue. Manque d’effectifs, manque de moyens, manque de motivations des fonctionnaires de police… Un brûlot écrit par un ex-policier Michel Alexandre qui dérangea Paul Quilès (ministre de l’intérieur de l’époque) et Laurent Fabius (premier ministre). On lui reprocha de ne pas s’intéresser aux « vrais problèmes« !?! De plus la presse de gauche (Nouvel Observateur et Les Inrockuptibles) le taxent de racisme (un comble pour cet humaniste et ce militant des libertés individuelles) Le film sera très apprécié du public qui en fera un gros succès de l’année. Au générique: Didier Bezace, Jean-Paul Comart, Philippe Torreton, Charlotte Kady, Jean-Roger Milo, Lara Guirao.

1993 Dernière collaboration avec Philippe Noiret dans « La fille de d’Artagnan« . Très bon film de cape et d’épée. Bertrand Tavernier producteur remplace au pied levé Riccardo Freda réalisateur, qui ne s’entend pas avec Sophie Marceau. Avec aussi Charlotte Kady, Claude Rich, Sami Frey, Jean-Luc Bideau, Raoul Billerey, Nils Tavernier, Jean-Paul Roussillon et Luigi Proietti. Un film très enlevé, avec beaucoup d’humour, et l’esprit de Dumas bien présent.

Bertrand Tavernier enchaîne avec un drame inspiré de faits réels. Il s’agit de « L’appât« . Trois jeunes gens, 1 fille et deux garçons décident d’aller aux Etats-Unis pour y faire fortune en y montant une entreprise de prêt-à-porter. Mais il faut de l’argent. Pour en trouver ils monteront des traquenards auprès de supposés riches hommes, que la jeune femme connaîtrait: Elle les séduit en boite de nuit sur les Champs-Elysées et parvient à se faire inviter chez eux, mais elle arrive accompagnée l’extorsion se fait dans la violence et la mort. Les faits sont ceux commis par Valérie Subra, Laurent Hattab et Jean-Rémi Sarraud. Le film questionne sur l’éducation des enfants et de leur environnement violent : la télévision, les films, mais aussi leur fascination pour les objets de marques que la société de consommation arrive à rendre indiqpensable à la jeunesse. Marie Gillain s’impose comme grande actrice dans ce film écrit par Colo Tavernier O’Hagan. Avec Olivier Sitruk, Bruno Putzulu, Richard Berry, Philippe Duclos, Clotilde Coureau, Philippe Torreton… Ours d’or au festival de Berlin.

L’après  guerre de 1914-1918 continue d’être une inspiration pour Bertrand Tavernier. Car après l’armistice dans les Balkans où on se bat contre les bolchéviques, c’est encore la guerre! Le « Capitaine Conan » est à la tête d’un commando de tueurs, qui font leur boulot en rampant dans la boue et à l’arme blanche. Ils éventrent et étripent sans états d’âmes. Ce sont des guerriers. Et non pas de vulgaires soldats. Mais les exactions de ces hommes vis à vis de prostituées et de civils bulgares finiront par alerter l’Etat Major de l’armée française. Et la justice militaire tente de faire son chemin durant les conflits. La fin du film est poignante. Philippe Torreton au sommet de son jeu, crève l’écran. Au générique de ce film ambitieux et magnifique écrit par Jean Cosmos d’après un roman de Roger Vercel: Samuel Le Bihan, Bernard Lecoq, Catherine Rich, Claude Rich, François Berléand… Succès critique. Échec public.

1997 Bertrand Tavernier répond à Eric Raoult (aujourd’hui oublié ministre délégué à la ville et à l’intégration du gouvernement de Alain Juppé) qui défia les cinéastes hostiles à la loi Debré d’aller vivre un mois dans une cité de la banlieue. Bertrand Tavernier contacté par des habitants de la « cité des grands pêchers » de Montreuil choqués par les propos du ministre, finit par accepter de filmer la vie difficile des habitants avec son fils Nils Tavernier. Grosse panique chez les politiques et émois pour les spectateurs.

En 1999 Bertrand Tavernier frappe encore du poing sur la table avec son film « ça commence aujourd’hui« . Un instituteur dans le nord de la France se heurte à la pauvreté des parents de ses élèves, et à la difficulté d’enseigner avec des enfants mal nourris, ou battus, ou privés d’eau et d’électricité. Il se bat surtout contre sa hiérarchie dont l’humanisme a disparu, et dont les méthodes d’enseignement relèvent plus du n’importe quoi qu’autre chose. Philippe Torreton incarne magnifiquement cet instituteur combatif.

Puis en 2002 il signe un chef-d’œuvre qui rend hommage au cinéma français durant l’occupation nazie. Avec « Laissez-passer » il se penche sur la résistance différente de deux hommes de cinéma face à l’occupant. Jean Aurenche scénariste qui refuse de travailler pour l’Allemagne. Et Jean Devaivre assistant réalisateur qui entre dans la « Continental » (société de production allemande en France) pour, de l’intérieur, mieux lutter contre l’occupant. Denis Podalydès et Jacques Gamblin sont extraordinaires dans ces rôles de gens ordinaires qui luttent avec leurs moyens modestes. Et survivent du mieux possible.

2004 il tourne au Cambodge « Holy Lola » un film sur un couple de français qui cherchent à adopter un enfant.  Ils sont confrontés à une administration cambodgienne paperassière et corrompue. De plus ils sont concurrents d’américains qui n’hésitent pas à débourser des sommes phénoménales pour obtenir un enfant d’un orphelinat. Bertrand Tavernier fait de nouveau appel à Jacques Gamblin et une nouvelle venue Isabelle Carré. Le film souffre peut-être un peu trop de la spécificité du sujet pour trouver un large public.

Bertrand Tavernier décide d’adapter un roman de James Lee Burke « Dans la brume électrique avec les morts confédérés » un des livres majeurs du romancier, qu’il apprécie tout particulièrement ainsi que son ami aujourd’hui disparu Philippe Noiret. A qui il aurait aimé dédier ce film mais les syndicats de scénariste et de réalisateurs et donc les studios américains dans leur incommensurable bêtise le lui ont interdit sous le fallacieux prétexte de statuts d’auteur et de réalisateur qui auraient été  minorés par une telle dédicace. Adaptation plus que réussie, voire magistrale. Avec comme interprète principal du rôle de Dave Robicheaux: Tommy Lee Jones génial dans ce film qui gardera le titre suivant « Dans la brume électrique » (2008).

En 2010 il a pour objectif de se recentrer sur un sujet typiquement français. il choisit d’adapter avec son fidèle scénariste Jean Cosmos une nouvelle de madame de Lafayette « La princesse de Montpensier » paru en 1662. Bertrand Tavernier fait appel à de très talentueux jeunes acteurs, Gaspard Ulliel, Grégoire Leprince-Ringuet, Raphaël Personnaz ainsi que le très confirmé Lambert Wilson. Ce film permet à ce réalisateur humaniste de montrer l’horreur française des années de guerre civile entre catholiques et protestants. Le tout sur une passionnante histoire d’amour à 5 personnages. Film magnifique dans sa reconstitution.

3 ans plus tard, il sort « Quai d’Orsay » (2013) comédie sur la conception difficile du discours à L’ONU du 14 février 2003 contre l’invasion des troupes américaines et britanniques en Irak contre une lutte terroriste préventive. Adaptation fine d’une bande dessinée dont l’auteur a vécu cette expérience en tant que conseiller du langage auprès du ministre des affaires étrangères Dominique de Villepin. Thierry Lhermitte grandiose.

Spécialiste du cinéma américain, et co-auteur avec Jean-Pierre Coursodon d’un livre intitulé « 50 ans de cinéma américain » dans lequel ils dissèquent les films, Bertrand Tavernier montre ici l’étendue de sa cinéphilie qui a exploré bon nombre de genres cinématographiques.

Par ailleurs il a participé pour Sidonis Calysta éditeur de DVD à la présentation de plusieurs westerns américains. Sa connaissance encyclopédique du cinéma américain donnent à celles-ci un intérêt sans pareil. rueducine.com lui doit beaucoup pour étayer ses « anecdotes ».

 

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