
Synopsis
Paris début des années 1990, l’inspecteur Lucien Marguet dit « Lulu » suite à un fiasco policier se fâche avec son supérieur. Il est muté dans un premier temps dans un lugubre service de recueil des plaintes puis rapidement dans une brigade des stups. Il se retrouve dans un Algeco avec des moyens très limités, un commissaire compréhensif, et cinq nouveaux collègues, dont un chef d’équipe qui semble assez limité. Petites et grosses affaires, gestion des cousins et misère sociale seront les quotidien de la brigade…
CRITIQUE
Bertrand Tavernier, avec ce film, révolutionne la vision du cinéma policier français.
Même si des tentatives de « cinéma vérité » ont fait des tentatives non abouties dans le genre policier, comme « Le désordre et la nuit » (1958) de Gilles Grangier, « Police » (1985) de Maurice Pialat.
Pour parvenir à coller avec une certaine vérité ou vérité certaine, il fallait un scénariste très affuté. Et un réalisateur ayant une sensibilité sociale affirmée.
La rencontre du cinéaste avec l’ancien flic des stups Michel Alexandre, va être le déclencheur du film. En effet lors d’une rencontre Michel Alexandre dévoile à Bertrand Tavernier le quotidien d’une brigade des stup. Bertrand Tavernier voit qu’il y a matière de faire un film à la fois policier et une photographie de la société et des moyens policiers pour maintenir l’ordre. Il lui demande de mettre par écrit des récits d’anecdotes qu’il a connues.
On y voit donc une police démunie de moyens qu’ils soient administratifs, de transport ou de locaux, une police sous payée, une police cependant impliquée et volontariste qui ne compte pas les heures et sacrifie la vie de famille pour la cohésion du groupe et la réussite des « affaires ».
Le manque de moyens criants chronophage et démobilisateur, saute aux yeux de tous.
Mais pas à ceux du socialiste ministre de l’intérieur (et de la sécurité publique) éphémère de l’époque, un certain Paul Quilès (1942-2021), qui se cache derrière son petit doigt et s’insurge contre l’image que renvoie le film de la police, plutôt que de regarder la réalité en face. Il fait un procès médiatique au réalisateur et retourne à l’hôtel Beauveau.
Bertrand Tavernier montre une accumulation de petits gestes policiers, et refuse de se limiter à une seule enquête menée à bout. « Les affaires » s’accumulent, parfois une affaire en amenant une autre. Michel Alexandre souligne l’importance du renseignement et donc des indics. Et le dilemne policier, que reprendra plus tard Alain Corneau dans son film « Le cousin » (1997) (écrit aussi par Michel Alexandre), sur la rémunération du renseignement et des risques pris par les indics.
Le film n’a pas de fin. Le travail de la police non plus. Le boulot des flics c’est comme remplir le tonneau des Danaïdes.
La vie de la brigade est émaillée de moments divers: dramatiques, dilettantes (les repas, les parties de Risk), de tension et de désaccords entre collègues. Le spectateur est traversé par plusieurs sentiments: le rire, la tristesse, le désespoir, la compassion…
Didier Bezace qui n’a pas eu de grand rôles au cinéma (mis à part celui-ci), est très convaincant. On est loin du flic héros et beau gosse dont nous avons été abreuvés dans les années 1970-1990.
Jean-Paul Comart campe un chef de groupe crétin et infantile qui n’a un sens des responsabilités très limité. Mais il n’est qu’un obstacle de plus que le reste du groupe contourne comme tout autre obstacle pour parvenir à leur fin.
Philippe Torreton apparaît pour la première fois dans un film de Bertrand Tavernier. Ils travailleront bien souvent ensemble.
Philippe Sarde a écrit une musique que l’on entend rarement dans le film.
Ce film est recensé dans la page : LE FILM POLICIER ET LE THRILLER FRANÇAIS DE 1945 à nos jours.
LA SCÈNE D’ANTHOLOGIE
Lulu a perdu »sa cousine » (une prostituée et toxico avec laquelle il a une relation très proche sans pour autant être sexuelle). Il la cherche dans tous les endroits où elle a ses habitudes. Le spectateur ressent la même angoisse que le flic.
L’ANECDOTE
Suite aux déclarations de Paul Quilès sur le film, Bertrand Tavernier a invité ce dernier à venir visiter les installations en préfabriqués près de chez lui. Le ministre ne fera pas le déplacement.