Synopsis
1716 en France une poignée de nobles bretons se soulèvent contre le régent Philippe d’Orléans pour créer une République de Bretagne. Ils comptent sur l’appui des espagnols. Le cardinal Dubois ambitionne d’être cardinal et compte sur l’appui des britanniques. Ceux-ci réclament l’éradication du soulèvement breton et la tête des meneurs. Mais cela le place en porte-à-faux face à la bonhomie de Philippe d’Orléans enclin au pardon, et aux plaisirs de sa vie dissolue…
CRITIQUE
Film historique qui tourne le dos à tout académisme, Bertrand Tavernier insuffle un souffle nouveau au genre.
Comme il le dit si bien lui-même, le réalisateur désamidonne le genre « film en costumes des XVII et XVIII ème siècle » un peu confit par les productions de Bernard Borderie, André Hunebelle ou Pierre Gaspard-Huit. Même le superbe « Cartouche » de Philippe de Broca ou « Les mariés de l’an II » de Jean-Paul Rappeneau semblaient malgré tout engoncés dans une grammaire cinématographique héritée des années 1950.
La caméra de Tavernier est très mobile souvent caméra à l’épaule. Les dialogues sont modernisés mais en intégrant une construction du XVIIIéme siècle.
Mais si nous sommes dans un film historique, nous ne sommes pas non plus dans un film de cape et épée. Pas de chevauchées, pas de duels, la seule cavalcade est celle du transport de la cargaison d’or.
On comprend que Bertrand Tavernier cherche à débusquer les premiers indices qui annonceront la Révolution Française. Et ils foisonnent!
Le film montre trois hommes condamnés l’un par autodestruction, le deuxième rongé par un cancer et enfin le troisième par une aventure politique improbable contre le royaume.
Le trio d’acteur Philippe Noiret, Jean Rochefort et Jean-Pierre Marielle est formidable. Le premier tout en bonhommie, le deuxième en habit sacerdotaux qui jure et monte sur les meubles en signe de satisfaction, enfin le dernier en incarnation d’un Picrochole breton qui autour de quatre convives dans sa salle à manger de son château, mène des conquêtes militaires et refait la politique européenne avec une poignée de paysans affamés armés de fourches, et qui va de mésaventures en mésaventures.
Christine Pascal interprète avec une belle sensibilité une catin qui côtoie le régent mais n’en est pas moins consciente de sa basse condition.
A noter aussi les figurations de la troupe du Splendid. Thierry Lhermitte, Michel Blanc, Gérard Jugnot et Christian Clavier.
Le film allie avec bonheur intérêt historique (jusque dans les anecdotes) et comédie humaine. On rit et on apprend. C’est le meilleur cocktail qui soit.
On reprochera (mais en mode mineur) d’avoir situé l’action à Versailles alors qu’elle avait lieu au Palais Royal. Versailles étant trop éloigné des lieux de plaisirs, pour Philippe d’Orléans et ses amis libertins mais aussi étant devenue une bâtisse qui a représenté la fin austère du règne de Louis XIV, et pour cela fut fui comme la peste par la cour.
Bertrand Tavernier est fier d’avoir, avec la collaboration d’Antoine Duhamel, sorti de l’oubli les compositions musicales de Philippe d’Orléans. Il a bien raison!
LA SCÈNE D’ANTHOLOGIE
Le duc de Bourbon vient réclamer à Philippe d’Orléans de ne pas supplicier le comte de Horn par la roue et qui a été pris alors qu’il a assassiné un boursicoteur, et de lui donner la mort qui lui est due : la décapitation. Mais Philippe D’Orléans amer d’avoir accepté la mort des nobles bretons exigée par Dubois, tient à ce que le comte de Horn à la réputation sulfureuse et à la moralité bien plus douteuse que ceux-ci, finisse roué en place de grève avec son complice.
Grande scène sur les privilèges de la noblesse et l’idée de la justice égale pour tous chez le régent. Philippe Noiret et Gérard Desarthe sublimes.
L’ANECDOTE
Trouver un financement pour son deuxième film s’avérera aussi compliqué que pour son premier. Reçus par la Gaumont Bertrand Tavernier et Philippe Noiret s’entendront répliquer à leur demande « De toutes façon les films historiques ça ne marche pas! La preuve : « Les Charlots mousquetaires » ont fait un bide! »
Et ils ont dit ça sans rire à la Gaumont?