Synopsis

Giuseppe Di Noi est italien. Il vit en Suède où il travaille comme géomètre sur des chantiers. Marié à une suédoise et avec deux enfants, il décide de prendre quelques semaines de congés l’été et d’amener sa petite famille visiter l’Italie « Le plus beau pays du monde! » clame-t-il enthousiaste. A la frontière italo-française, un douanier italien lui demande ses papiers. Quelques instants plus tard il revient et demande gentiment à Giuseppe Di Noi de bien vouloir le suivre pour de simples vérifications. A peine entré dans les locaux de la douane il en ressort par une porte dérobée menotté, il est placé dans une voiture de police, direction Milan. Sa famille n’est pas même prévenue de son arrestation et l’attend dans la voiture…

CRITIQUE

La question que je me suis posé à la fin de ce film est la suivante. Ce film entre-t-il dans le cadre de la comédie à l’italienne? Car Nanni Loy et ses scénaristes ont poussé très loin ce film vers le drame.

Cependant Rodolfo Sonego est le scénariste de plusieurs comédies comme « Il marito » (1958) et de comédies à l’italienne comme « Le veuf » (« Il vedovo« ) (1959), « Une vie difficile » (« Una vita dificile« ) (1961).
Sergio Amidei à quant à lui écrit « Le bigame » (« Il bigamo« ) (1956) et »Il medico della mutua » (1968).
Nanni Loy est lui même réalisateur de quelques comédies à l’italienne comme « Hold-up à la milanaise » ou le film à sketchs « A l’italienne » (« Made in Italy« ).

Le choix de l’acteur principal qui est un des « monstres » de la comédie à l’italienne et aussi le fait historique que ce genre caractéristique du cinéma transalpin, avec les années de plomb, devient de plus en plus amer et dur dans sa critique sociale et politique m’a définitivement fait pencher pour considérer ce film comme étant une comédie à l’italienne.

Car de quoi s’agit-il dans ce film? Il s’agit de prendre un italien moyen, père de famille, petit bourgeois, géomètre, qui vit et travaille en Suède sur des chantiers, et de le plonger dans l’enfer de la justice italienne telle qu’elle se vivait au début des années 1970. Impossibilité de connaître les griefs reprochés, pas de visite au juge, pas d’avocats avant des semaines, la famille qui ignore où vous êtes, des transferts incessants, des conditions d’emprisonnement plus que misérables (promiscuité, hygiène déplorable, alimentation infecte, violence des gardiens et des codétenus) tout cela s’achève en une déshumanisation des détenus qui ont le choix entre plus de violence, le suicide, ou la folie. Surtout quand (comme c’est le cas de Giuseppe Di Noi) l’on est innocent.

Si le message est rude envers l’institution judiciaire de l’époque, il n’en est pas moins adouci par un humour kafkaïen qui permet au spectateur de supporter plus facilement les horreurs que subit ce tranquille père de famille. C’est aussi ce qui permet au film de na pas s’inscrire dans le drame, mais dans la comédie à l’italienne. Certes très âpre. Mais encore présente.

C’est Alberto Sordi qui a eu l’idée d’un film sur le système carcéral italien en lisant le livre « Operazione Montecristo » qu’a écrit un musicien et présentateur à la télévision et à la radio, Lelio Luttazzi. Il présentait sur les ondes radiophoniques entre 1967 et 1976 le Hit Parade une émission suivie par des millions d’auditeurs. Jusqu’au jour où sur une dénonciation calomnieuse, il est accusé de trafic et détention de drogue, arrêté et mis en geôle pendant 27 jours, au bout desquels son innocence est reconnue.
Cette expérience traumatisante changera définitivement la psychologie et le comportement de Lelio Luttazzi.
Ce qu’Alberto Sordi rend de façon magnifique pendant les 5 dernières minutes du film, lors du retour en Suède de Giuseppe Di Noi et sa famille.

Les deux scénaristes Rodolfo Sonego et Sergio Amidei on été aidés par un spécialiste du système carcéral italien de ce temps là. rueducine.com-ours d'argentEn effet le journaliste de la RAI Emilio Sanna a écrit un livre « Inchiesta sulle carceri » (« Enquête sur les prisons ») et un tourné un documentaire « Dentro il carcere » (« Dans la prison »).
Il est vrai que le film de Nanni Loy a un côté « documentaire » indéniable.

Le film étant parfaitement réussi par cette merveilleuse alchimie entre le drame et la comédie, entre la fiction et le réalisme, et aussi et surtout par l’incroyable prestation d’Alberto Sordi (l’acteur reçoit l’Ours d’argent de la meilleure interprétation lors de la berlinale de 1972 et un David di Donatello ; il est un important jalon dans le cinéma italien. Un peu comme « L.627 » de Bertrand Tavernier en France.

Je regrette que Elga Andersen ait été sacrifiée dans son rôle de femme de détenu. On ne la voit pas assez remuer ciel et terre pour retrouver son mari disparu dans les méandres administratifs, au gré des transferts que semblait beaucoup affectionner le ministère italien de la justice d’alors.

rueducine.com-davide-di-donatelloJe n’oublie pas de dire mon admiration pour Carlo Rusticchelli qui lui aussi joue avec les codes de la musique. Il ouvre son film avec une musique allègre nous lançant dans la comédie de mœurs puis le drame annoncé, trouve des mélodies graves et parfois grotesques pour illustrer les mésaventures d’un innocent en prison. Génial!

 

LA SCÈNE D’ANTHOLOGIE

Di Noi ne veut surtout pas se mettre à dos l’administration pénitentiaire. Et quand un gardien le soupçonne d’éventuellement vouloir entamer une grève de la faim, celui-ci se met à manger sous l’œil inquisiteur du gardien l’infâme met qui lui est présenté. Il n’omet pas d’en rajouter en comparant cela à la délicieuse cuisine de sa mère… Grandeur d’Alberto Sordi dans l’acte misérable!

L’ANECDOTE

Le nom de Di Noi (De Nous) n’est pas un choix plus ou moins hasardeux. Il avait pour intention de montrer que chacun (de nous) pouvait subir les avanies qui s’abattent sur le personnage. Les italiens ne s’y sont pas trompés, le film a eu un énorme retentissement. Il est considéré aujourd’hui comme l’un des chefs d’oeuvre de la comédie à l’italienne et par conséquent du cinéma italien.

NOTE : 17/20

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